Tout ce que j’aurais aimé ne jamais savoir sur l’antisémitisme au sein du Labour

Traduit de l’anglais par Léa Nicolas-Teboul.

Ancienne militante du Labour britannique, Sara Gibbs revient ici sur son expérience de l’antisémitisme au sein de ce parti sous le mandat de l’ancien dirigeant Jeremy Corbyn (2015-2020) et sur les difficultés et résistances qu’elle a rencontrées pour le thématiser. Traduire et publier ce témoignage nous semblait important dans la mesure où, d’une part, l’expérience de Sarah Gibbs résonne avec les difficultés que les militant-e-s de gauche en France éprouvent dans leurs tentatives de thématiser la question de l’antisémitisme au sein de leurs milieux et que, d’autre part, certaines organes politiques et idéologiques influents de la gauche française, comme La France Insoumise ou la revue Contretemps, relaient la désinformation corbyniste selon laquelle l’antisémitisme au sein du Labour ne serait qu’une fabrication droitière.

Je veux qu’on me rende les quatre dernières années de ma vie

Récemment, j’ai été en contact avec beaucoup de gens qui ne connaissent rien à la question de l’antisémitisme au sein du Labour. Pour moi, il a été très difficile de proposer ma propre analyse. Non parce qu’il n’y a rien à dire mais parce qu’il y a tellement à dire qu’on se sent dépassé. Et parce que c’est compliqué. Très compliqué1.

Tout d’abord, si vous n’y connaissez rien et que vous m’écoutez. Merci. Je sais que de nombreux camarades seront agacés par la tonalité qui est la mienne mais au point où j’en suis, je suis épuisée d’avoir dû, pendant quatre ans, supplier les gens de m’écouter et j’éprouve de la reconnaissance pour n’importe quel nouvel allié ou soutien. Si vous m’écoutez, c’est un bon début.

Voilà l’un des aspects les plus délétères de la crise de l’antisémitisme au sein du Labour : énormément de gens que j’aime, respecte et considère comme des amis ont nié ou minimisé un problème si ravageur pour moi. Tweet après tweet, des modérateurs ou des amis glissaient que ceux qui refusent de se boucher le nez et de voter pour le Labour sont des « idiots », « aussi nuisibles que les conservateurs » ou « responsables du problème des sans-abris ». J’en parlerai de manière plus détaillée à la fin de cette article, si vous arrivez jusque-là. Savoir ce que je sais de l’antisémitisme dans le Labour et voir cette question si ouvertement méprisée par des gens que je respecte profondément a été une des expériences les plus fatigantes et démoralisantes que j’ai jamais traversées.

Je fais de mon mieux pour dépassionner le débat, mais c’est très difficile. Je suis passionnée. Je suis en colère. Je suis blessée. J’ai peur. Surtout, je suis complètement épuisée. Écrire cet article m’a pris plus d’une semaine, avec la collaboration d’une équipe pour faire des recherches et contrôler les faits (je ne peux que les remercier chaudement pour leur temps et leur énergie), cela a mangé mes dernières réserves.

Je me réjouis pourtant, car pendant que j’écrivais cet article, le rapport rédigé par le Jewish Labour Mouvement2pour l’EHRC (la commission pour l’égalité et les droits humains qui enquête actuellement sur l’antisémitisme institutionnel au sein du Labour) a fuité3. Je me réfère plus loin à ce rapport accablant, qui est consultable4.

Cet article est long. Mais j’ai fait de mon mieux pour le rendre simple et accessible. Et si vous êtes vraiment un anti-raciste engagé et que vous voulez comprendre ce qui se passe, cela vaut la peine de prendre le temps de le lire et de le digérer. D’autres gens plus brillants ont déjà abondamment écrit sur le sujet5, je me réfère sans cesse à leur travail.

Tout d’abord, quelques éléments personnels sur mon histoire de militante du Labour6 – pourquoi je prends la chose si à cœur. Comme je le dis dans mon fil Tweeter, l’antisémitisme à gauche, et au sein du Labour, n’a pas commencé avec Corbyn. Mais, depuis 2015, il s’est banalisé et a augmenté d’une manière inimaginable pour moi auparavant.

Cet article, je l’avais déjà écrit dans ma tête et dans mon cœur pendant ces quatre années de colère et de désarroi. Il me trottait dans la tête la nuit, me réveillait et maintenait, au gré des débats, mon corps dans un état de tension et d’angoisse constantes. Quand les gens m’ont demandé des « preuves » de l’antisémitisme dans le Labour, je n’ai rien dit – non qu’on ne puisse en donner, mais parce que si quelqu’un te dit « donne-moi des preuves du patriarcat » et attend ta réponse, ce n’est qu’un tour de passe-passe. Et aussi parce que ceux qui demandent des preuves ne veulent que rarement les voir, quand on les leur donne.

Quoi qu’il en soit, allons-y, le plus tôt sera le mieux.

Les accusations d’antisémitisme ne sont-elles que des calomnies lancées par les médias de droite pour décrédibiliser Corbyn ?

Voilà ce qu’on me répète souvent : les gens n’ont pas suivi attentivement cette histoire et ses rebondissements. Ils n’ont vu que les gros titres. Des sources auxquelles ils ne font pas confiance. Ils ont vu aussi beaucoup de personnages douteux, souvent à droite ou à l’extrême-droite, partager des histoires d’antisémitisme et ils se demandent si la communauté juive ne se met pas dans tous ses états, juste parce que certains intérêts néfastes attisent la feu. D’autres sont de moins bonne foi et… disons, plus racistes… ils pensent que ce sont les Juifs eux-mêmes qui sont à l’origine de tout ce raffut, mais nous y reviendrons.

Tout d’abord, concernant l’extrême-droite, je partage cette exaspération. Ce qui est ressorti de pire de cette séquence, c’est que des gens absolument épouvantables se sont mis à prendre notre défense. Des gens qui ont un passé à Britain First7. Des gens qui n’ont aucun intérêt sincère dans la lutte contre l’antisémitisme. Parfois, certains, pour défendre l’importance du problème, ont partagé des sources islamophobes et des programmes signés par des gens vraiment problématiques et cela m’a fait souffrir et m’a démoralisé.

Je suis triste parce que que tout cela autorise certains à penser qu’ils ont le droit de minimiser la réalité du problème et son caractère alarmant. Le tableau est complètement faussé – c’est le Labour vs la droite et la droite se confond avec les Juifs. Cette situation étouffe dans un océan de rumeurs confuses les voix juives qui ont sincèrement peur. Elle alimente l’idée que l’antisémitisme au sein du Labor ne serait qu’une calomnie et un facteur de division. En définitive, certaines personnes honnêtes deviennent hypocrites parce qu’elles sont démoralisées. Elles veulent mettre sous le tapis les problèmes et se détachent de ceux qui les abordent. Je ne fais pas partie de ces gens. Autrement, ma vie serait plus simple.

Mais ce récit « les Juifs vs la gauche » est délétère, surtout parce qu’il est faux. Le mot « explosif » tourne beaucoup, et peut-être que certains ont intérêt à le faire tourner mais ce ne serait pas possible s’il n’y avait rien à faire exploser. Je suis juive, et de gauche et j’ai dû me rendre à l’évidence que le Labour dirigé par Corbyn est devenu institutionnellement antisémite. Bien d’autres Juifs de gauche ont fait de même. Je suis consternée par ce mépris envers ce que nous disons, soi-disant parce que des personnages douteux se sont emparés du problème, ce serait la même chose si on déversait ce mépris sur la cause palestinienne, au prétexte qu’elle a été défendue par des personnages comme ceux dont je vais parler plus loin. En tant qu’anti-racistes, ce n’est pas sur cette base que nous choisissons qui défendre. Ces quatre dernières années, ce principe est restée lettre morte.

Corbyn a un passé problématique, plein d’alliances et de propos racistes. Il est désormais évident aussi que toute l’équipe dirigeante du Labour et parfois Corbyn lui-même se sont rendus complices de la situation actuelle, ils ont protégé leurs copains, ont enterré les cas les plus graves ou ont renoncé à prendre des mesures et ont finalement laissé les choses s’installer dans l’appareil du Parti. Par ailleurs, en marge de l’appareil et des problèmes institutionnels, s’est répandu toute une culture antisémite et conspirationniste visant les Juifs et l’identité juive qui a été défendue ces quatre dernières années au sein du Labour et à sa périphérie. En premier lieu par des médias de gauche, anciens ou récents, comme The Canary et Skwakbox, des comptes tweeter de leaders auto-proclamés, avec une caisse de résonance énorme sur Facebook où les gens partagent des posts pour augmenter leurs vues. Le résultat : une culture antisémite toxique et un déni afférent se sont répandus et l’antisémitisme a atteint dans la vie publique britannique un niveau inédit pour beaucoup de Juifs.

Ces quatre dernières années, j’ai dû vérifier chaque information, car certaines sources et certains sites d’informations sont au mieux douteux et au pire extrêmement problématiques. Surtout, il y a de nombreux militants, merveilleux, fiables et consciencieux, qui sont des lanceurs d’alerte qui relaient des sources de première main, mais au moment où on découvre le problème, il peut être difficile de distinguer le vrai du faux et de savoir qui est qui. Tout prête à confusion, certaines sources douteuses ont révélé des cas d’antisémitisme complètement fous qui avaient en réalité déjà été vérifiés et, dans ce tableau complexe, il n’est pas facile pour les gens de gauche, comme moi, de s’y retrouver. On n’a plus affaire à un – les ennemis de mes ennemis sont mes amis –, mais à – l’ennemi de mon ennemi a découvert quelque chose de pertinent et de préoccupant qu’il faut vérifier d’urgence.

Cela signifie que j’ai passé quatre ans à scruter tel titre de journal ou telle accusation dans un tweet et à enquêter sur le pourquoi du comment pour m’assurer de la véracité de ce que je partageais, pour être certaine que les faits n’étaient pas exagérés avant de les considérer comme une partie d’un ensemble bien plus vaste. Je ne suis, je crois, ni querelleuse ni rancunière et je passe beaucoup de temps à peser le pour et le contre avant de tirer des conclusions. Pendant ces quatre dernières années, les preuves et les incidents se sont accumulés au quotidien, alors cela n’a pas été une mince affaire.

Quand les gens pense que tout ça c’est de la calomnie, ils pensent :

  • Les 87% de la communauté juive qui considèrent que Jeremy Corbyn est antisémite sont si crédules, influençables et manipulés par des intérêts que cette campagne médiatique pernicieuse les a a mis dans tous leurs états. Beaucoup de bruit pour rien. Ou bien :
  • Les Juifs se montent la tête contre Corbyn parce que c’est dans leur intérêt. Ces théories sont par nature presque toujours antisémites (les Juifs protègent leur argent, Israël, tous les Juifs sont de droite etc.)

A-t-on affaire à d’authentiques convictions anti-racistes ?

Les différents types d’antisémitisme

Je suis bien consciente des nuances que recouvre le spectre du sentiment anti-israélien et de ses points d’interférences avec l’antisémitisme. Mais il faut rentrer dans les détails parce que c’est ce qui a rendu les manifestations d’antisémitisme chez Corbyn et plus largement à gauche si confuses. Il est facile d’identifier l’antisémitisme de droite, mais l’antisémitisme de gauche est intriqué à un conflit géo-politique complexe qui le rend plus difficile à situer et à comprendre. Voilà donc un bref aperçu de différents types d’antisémitisme, qui jouent tous un rôle dans cette histoire.

L’antisémitisme classique et complotiste

D’autres que moi ont souligné, dans un cadre académique, le développement des thèmes et des idées antisémites dans l’histoire8. Mais, pour ceux qui sont pressés, voilà les tropes les plus récurrents :

  • L’idée que les Juifs ont tué le Christ. L’idée que les Juifs sont responsables d’une société qui a perdu son Messie.
  • Les Juifs sont riches et cupides / obsédés par l’argent. Voir la description de Shylock dans Le Marchand de Venise de Shakespeare, par exemple. Parfois, renvoyer à certains individus juifs est un simple clin d’oeil raciste qui sert à personnifier l’idée de la richesse et du contrôle, par exemple les Rothschild ou Georges Soros.
  • Les Juifs sont tout-puissants et complotent pour contrôler les industries-clés, les médias, la classe politique et la finance. Même la pornographie, apparemment, est contrôlée par les Juifs. Cette croyance est à l’origine des théories conspirationnistes les plus récentes, comme « les Juifs sont responsables du 11 septembre ».
  • Les Juifs ont le nez crochu, ils sont laids, c’est de la vermine, des reptiles – les Juifs sont déshumanisés et incarnent l’altérité.
  • Les Juifs dans leurs pays d’accueil ne sont fidèles qu’à leur communauté. On appelle cela le trope de la double-appartenance qui peut impliquer que les Juifs ne sont pas des citoyens comme les autres / ils ne font pas réellement partie du pays où ils vivent / où ils ont grandi. J’y reviendrai quand j’évoquerai la critique d’Israël, mais j’ai bien reçu des messages de gens que je croyais mieux renseignés, me disant, alors que je parlais d’antisémitisme : la communauté juive prive égoïstement la nation d’un gouvernement socialiste, les Juifs ne moquent du sort des pauvres (parce que nous sommes tous riches, bien sûr) ou des malades (parce que nous sommes tous en bonne santé) et nous sommes tous des mauvais acteurs de droite. Parler ouvertement d’antisémitisme devient « les Juifs détestent les enfants malades et veulent leur mort ».
  • Un prolongement, c’est les Juifs « empoisonneurs de puits » (au Moyen-Âge, cela avait une signification littérale), ils veulent du mal à leurs concitoyens. Ce trope est mobilisé pour faire des Juifs les boucs-émissaires des problèmes sociaux. C’est pourquoi il est problématique d’entendre dire que les Juifs sont la « cinquième colonne » ou « l’ennemi intérieur ».
  • Meurtre rituel : plus littéralement, accuser les Juifs d’utiliser du sang humain pour préparer les matzot (pain non-levé) pour Pâques. Cela me surprend, en tant que Juive végétarienne. En général, l’accusation porte spécifiquement sur le sang des enfants / des enfants chrétiens. En termes modernes, les Juifs peuvent être accusés sans aucune base réelle d’actes tels que le trafic d’organes ou la pédophilie. J’ai personnellement été épinglée sur Twitter comme « pédophile » parce que j’avais abordé la question de l’antisémitisme.
  • La négation, minimisation de la Shoah ou l’idée que les Juifs exagèrent cyniquement ou utilisent la Shoah pour des raisons politiques ou pour attirer la sympathie. (Je développerai ce point quand j’en viendrai aux relations avec l’État d’Israël).
  • Appeler les Juifs Nazis / utiliser la Shoah contre eux d’une manière qui vise à les blesser en tant que Juifs.
  • Parfois la critique d’Israël mobilise de tels tropes – parfois les Juifs sont critiqués pour les actions de l’État d’Israël, sur lesquelles ils n’ont aucune marge de manœuvre. C’est le point de rencontre entre anti-sionisme et antisémitisme, mais c’est aussi plus compliqué que cela, comme je vais le montrer.

Tout ça, au fond, c’est pour défendre Israël ?

Non. Le rapport de l’EHRC montre que la plupart des agressions contre les Juifs ont peu à voir avec Israël. Cependant, les choses sont intriquées, comme je vais l’expliquer. Si vous me suivez, vous avez compris que l’idée est en tant que telle un trope antisémite. La figure classique de la double-appartenance. Les Juifs dans leur ensemble conspirent pour protéger un État étranger, empêchent toute critique parce qu’au final, les Juifs feront toujours passer leurs propres intérêts avant ceux des autres.

Cela ne veut pas dire qu’Israël n’ait pas une signification importante pour la grande majorité des Juifs britanniques mais le tableau est plus nuancé que ce que laisse penser cette caricature raciste.

Le problème avec le type d’antisémitisme qui sévit dans le Labour c’est que, très souvent, au moment où Israël arrive dans la discussion, c’est pour dire que la remarque visait Israël et pas les Juifs. Cependant, dans certains cas, la remarque n’a rien à voir avec Israël, ce n’est qu’un prête-nom pour un antisémitisme séculaire, le mot « Juif » peut être remplacé par le mot « sioniste ». Par exemple, « les sionistes contrôlent les médias » ou « tu n’es qu’une sale sioniste » jouent sur des très vieux tropes antisémites, les Juifs contrôlent les médias, aiment l’argent ; cela n’a rien à voir avec la critique du gouvernement israélien et c’est très dur à expliquer à quelqu’un qui n’a pas l’habitude de ce genre de choses.

D’autres exemples : les gens crient « Libérez la Palestine ! » à des Juifs isolés. Ça serait un peu comme crier à une personne musulmane isolée, « Mort à Daesh ! », même si comparaison n’est pas raison (je ne veux pas comparer Israël et Daesh). C’est une injure visant une collectivité basée sur une association raciale, religieuse ou culturelle.

Comme je l’ai déjà dit, un autre trope, celui de la double-appartenance, bien antérieure à l’existence de l’État d’Israël, s’y réfère maintenant dans les discours antisémites. L’idée que les Juifs sont plus fidèles aux autres Juifs qu’à leur propre pays, qu’ils sèment le désordre dans la société avec des objectifs maléfiques. Presque qu’à chaque fois que j’aborde le problème de l’antisémitisme, quelqu’un me répond que je suis à la solde du gouvernement israélien ou que j’essaie d’empêcher la critique d’Israël. Cela m’est arrivé tous les jours, alors que je ne parlais pas d’Israël.

Je reconnais aussi qu’il y a de véritables zones grises. Certains sont dans les starting blocks pour légitimer toute critique d’Israël. Un certain type de critique est sujet à caution. J’y viendrai. D’autres affirment que TOUT anti-sionisme est de l’antisémitisme. Je ne le pense pas. Tout cela est très débattu au sein de la communauté juive elle-même. Mais on retrouve ce genre d’exagération dans absolument tous les milieux militants. Ce n’est pas parce que que certains se trompent ou qu’on n’est pas d’accord avec eux qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain et balayer d’un revers de main les inquiétudes des Juifs sous prétexte que tous les militants n’ont pas des opinions irréprochables.

Le problème, au fond, ce ne serait pas que Corbyn combat le sionisme?

Le nœud de l’affaire, c’est le mot sioniste. Il y a, bien sûr, des Juifs anti-sionistes, mais la majorité de la communauté juive qui se définit comme sioniste ne reconnaît pas la définition du sionisme qui s’est imposée dans le discours populaire. Pour beaucoup de Juifs, le sionisme renvoie simplement à l’existence d’une terre refuge pour les Juifs après l’expérience en diaspora des pogroms et de la Shoah. Si le sionisme, religieux comme politique, pré-existait à la Shoah, il n’a réellement pris son essor qu’après l’assassinat de six millions de Juifs d’Europe. Ainsi compris, le sionisme n’est pas une position irrationnelle. Cependant, beaucoup de non-Juifs entendent sous le terme « sioniste » un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, à sa politique et à ses actions. On fait aussi du sionisme un mouvement colonial dont le but est d’opprimer les Palestiniens ou de soutenir l’assassinat des Palestiniens. C’est peut-être le cas pour une minorité détestable, mais ce n’est certainement pas ce que sionisme signifie pour l’ensemble des Juifs. Le sionisme est une idéologie politique avec des courants différents, comprenant autant d’infatigables militants pour la paix que des colons enragés et tout ceux qui se situent entre les deux. La plupart sont horrifiés par l’idée que leur propre auto-détermination ait abouti à ce conflit insoluble, sanglant et terrible dont un autre peuple est la victime.

L’idée que les Juifs représentent une force coloniale s’ancre en partie dans l’idée que les Juifs sont blancs. Le judaïsme renvoie autant à une religion qu’à un groupe ethnique – un groupe ethno-religieux – à l’origine habitant le Moyen Orient 2000 ans avant J-C. Après diverses périodes d’exil, la diaspora juive s’est étendue à la surface du globe et a conduit au cours des siècles à différentes branches du judaïsme. Les Juifs du Nord de l’Europe, comme la plupart des Juifs britanniques sont ashkénazes. Les autres grandes branches sont les Séfarades (Juifs espagnoles et portugais), les Mizrahi (du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, y compris l’Iran et l’Asie centrale), les Beta Israel (les Juifs éthiopiens) et d’autres groupes plus petits comme les Juifs indiens, et les Juifs chinois. Les Mizrahim représentent la majorité des Juifs en Israël (61%) tandis que les ashkénazes sont majoritaires à l’échelle du globe. Tous sont aussi Juifs les uns que les autres. Même les Juifs ashkénazes ont été assassinés en Europe pendant la Shoah sur la base de leur appartenance ethnique, pas leur religion. Les suprémacistes blancs ne considèrent pas les Juifs comme des Blancs mais comme des ennemis qui se font passer pour des Blancs et veulent les remplacer. Cependant, les Juifs blancs jouissent en effet à certains égards de certains privilèges blancs et le type de discrimination qu’ils vivent peut être très différent. L’intersectionnalité au sein de la communauté juive elle-même est un problème épineux mais minimiser tout de ce qu’ont subi les Juifs à cause de leur « blanchité » ou rabattre leur volonté d’auto-détermination sur une forme de suprématie blanche est douteux ou idiot et relève de l’aveuglement historique.

Le mot sioniste employé comme injure et la diabolisation de tout Juif qui se définit ainsi, quel que soit son humanisme ou son soutien à la cause palestinienne, a brouillé bien des repères au point de diaboliser la grande majorité de la communauté juive, souvent par méconnaissance du sionisme politique ou religieux.

Tout cela a de multiples conséquences pratiques, qui ont joué un rôle dans le déroulement de la crise du Labour. Tout d’abord, on attend toujours des Juifs de gauche qu’ils dénoncent le sionisme en soi ou n’aient aucune solidarité envers Israël, alors qu’Israël reste un endroit où se réfugier si les choses tournaient à nouveau mal pour eux. Les positions sont complètement tranchées – tu ne veux pas rayer l’État d’Israël de la carte, tu ne fais pas partie de la gauche. Tout le monde n’est pas de cet avis mais, bien souvent, ce raisonnement a été le moteur fondamental d’exclusion de Juifs ou de cas de harcèlement. En conséquence, les Juifs se sont retrouvés exclus des mouvements progressistes en général. On a empêché les Juifs de part le monde de porter dans les marches LGBT+ des drapeaux arc-en-ciel avec l’étoile de David, le symbole du judaïsme depuis le XIVème siècle (l’étoile de David, pas l’arc-en-ciel, ce qui aurait été cool aussi…). Dans les années 1980, beaucoup d’amis de Corbyn (Seumas Milne, George Galloway) ont tenté de faire interdire les organisations juives sur les campus parce qu’elles étaient étiquetées sionistes. Certaines campagnes ont tenté de faire interdire la nourriture casher parce qu’elle venait d’Israël. Cela a entraîné aussi une forme particulièrement épouvantable de déni ou de minimisation de la Shoah.

Au début, on a se contente de l’idée que les Juifs ont monté la Shoah en épingle pour s’attirer la sympathie ou pour assurer la fondation de leur propre État et puis, sur cette route périlleuse, on arrive très loin, jusqu’à affirmer que le chiffre de six millions de morts est sur-estimé ou que la Shoah en tant que telle était une mystification.

Alors comment Corbyn en est-il arrivé là ?

Cela me ramène à Corbyn. Voilà comment la plupart des gens présentent les choses : Corbyn n’est qu’un artisan de la paix bien intentionné, par souci du dialogue, il a seulement fait alliance avec quelques personnages douteux. Il a été anti-raciste toute sa vie et a été frappé bassement par les médias de droite et l’« Establishment juif » (quel que soit la signification de ce terme – je ne savais pas qu’il y avait un Establishment juif unifié, car on m’accuse tout le temps d’en faire partie).

Cependant, j’ai été proche d’activistes pour la paix au Moyen-Orient pendant une grande partie de ma vie d’adulte, engagée dans des groupes comme One Voice ou Yachad, qui militaient pour une solution à deux-États et un dialogue israélo-palestinien, et mon point de vue est bien différent. Il est tout à fait possible de prendre à cœur la défense des Palestiniens sans partager d’espace politique avec des prêcheurs de haine et des gens accusés de terrorisme. De la même manière, il est possible de lutter contre l’antisémitisme sans s’acoquiner avec des extrémistes islamophobes. Tout comme il est parfaitement possible de soutenir le droit à l’existence de l’État d’Israël sans dénier aux Palestiniens leur humanité et leur droit à un État. Les responsabilités de ceux qui font le choix contraire doivent être pointées du doigt, même quand c’est difficile, en particulier quand ils sont candidats à des élections. Lorsqu’on désire légitimement la paix, on a tendance à se diriger vers des groupes qui désirent la paix et on ne choisit pas le blâme, la diabolisation ou l’extrémisme. Ceux qui parlent aux extrémistes au nom de la paix s’adressent aux deux côtés de la ligne pour comprendre les positions respectives et œuvrer à la réconciliation. Je trouve qu’il est dur à avaler que les alliances de Corbyn aient eu comme mobile de ramener toutes les voix dans le débat car jusqu’à preuve du contraire, Corbyn n’a jamais fait alliance avec qui que ce soit au Moyen-Orient à part des figures extrêmes et clivantes, qui se désintéressaient de tout dialogue constructif avec des groupes israéliens de gauche, voire des figures de droite, soi-disant au nom de la paix. Sentez-vous autorisés à me contredire si je me trompe sur ce point, mais je n’en ai trouvé aucune trace d’autres alliances.

Un avertissement : le problème de l’antisémitisme au sein du Labour ne se limite pas à ce qu’a fait Corbyn en se mettant à excuser ou à pardonner les manifestations d’antisémitisme. Corbyn, en refusant de reconnaître certaines alliances problématiques qu’il avait nouées par le passé, a alimenté une culture du déni et une hostilité envers les Juifs qui demandaient des comptes. Ses accointances avec des groupes terroristes, son soutien aux théories conspirationnistes ou son silence sur ces idées puis son déni furieux de tous les problèmes qu’elles soulevaient ont crée une culture toxique et un laisser-aller envers des positions qui étaient alors en train de se banaliser. Quand Corbyn a été élu et que sont entrés au Labour des gens qui venaient de diverses tendances de la gauche radicale comme Left Unity9, SWP10et Respect11, le problème est devenu criant. Les réseaux sociaux ont joué un rôle épouvantable, en particulier Twitter et les groupes Facebook de soutien au Labour. Ce Parti est le plus grand parti politique d’Europe occidentale et il est devenu, via les nouvelles technologies, un relais de masse des idées conspirationnistes qu’il a contribué à banaliser alors qu’elles se limitaient autrefois à des niches idéologiques.

Les faits d’armes de Jeremy

Quelques détails croustillants. Ces quatre dernières années, on n’a pas arrêté de m’en demander : certains épisodes sont désormais tristement célèbres, quelques-uns sont particulièrement pesants pour moi, d’autres moins. On peut les contester, mais un schéma général se dégage et Corbyn, comme l’a dit quelqu’un de plus malin que moi, est certainement l’anti-raciste le plus malheureux du monde.

Je dois encore insister – il ne s’agit que de son histoire personnelle – Corbyn ne concentre pas l’essentiel du problème de l’antisémitisme au sein du Labour. Pour moi, l’important, c’est surtout la façon dont le Labour a traité les cas d’antisémitisme et la culture d’intimidation envers les Juifs qui a prévalu quand Corbyn a pris la direction du Parti.

Soutien et alliance avec des groupes terroristes et des personnes poursuivies en justice pour terrorisme.

  • On réduit en général drastiquement la crise de l’antisémitisme au sein du Labour à un unique incident, Corbyn parlant de ses « amis du Hamas et du Hezbollah ». Ce ne seraient, explique-t-on, que des paroles de bonne foi, de dialogue ou une main tendue pour résoudre le conflit au Moyen-Orient. Beaucoup de Juifs ne partagent pas ce sentiment, mais soyons généreux. Dans cette interview, Corbyn discute du problème12. Jugez par vous-mêmes si on est en présence de quelqu’un qui n’éprouve aucune difficulté à revenir sur ses propres actions.
  • Cependant, plus loin dans l’interview, Corbyn dit que le Hamas est une « force œuvrant pour la paix et la justice sociale ». Laissons un instant de côté le problème de l’antisémitisme. Voilà une idée bien déraisonnable, il est de notoriété publique que le Hamas assassine des citoyens palestiniens, y compris des membres de la communauté LGBT. Le Hamas comme le Hezbollah sont ouvertement antisémites, même si le Hezbollah a parfois affirmé n’être qu’anti-sioniste. Ces déclarations sont en général considérées comme mensongères par les spécialistes13. Le Hezbollah est négationniste et participe activement à la diffusion de théories conspirationnistes antisémites. La Charte du Hamas (1988) parle de tuer des Juifs (article 7, attribué au prophète Mahomet), déclare que les sionistes ont déclenché la guerre dans leur intérêt (article 22) et cite le Protocole des sages de Sion comme preuve des ambitions sionistes de dominer le monde (article 32).
  • Raed Salah, condamné par la justice israélienne pour incitation à la violence et plus récemment pour incitation au terrorisme, est généralement considéré comme un prêcheur de haine. Il est accusé d’avoir déclaré dans un meeting en 2007: « Nous ne nous sommes jamais crus autorisés à pétrir le pain de la rupture du jeune de notre saint mois de Ramadan avec du sang d’enfants. À quiconque nous sommerait de nous expliquer, demandons-lui ce qui est arrivé aux enfants européens, dont le sang servait de levain pour le pain sacré [des Juifs] ». Corbyn le défendait en 2012. Cet homme qui pense que les Juifs boivent le sang des enfants. Il le qualifiait de citoyen respectable et l’invitait à prendre le thé au parlement. Corbyn a aussi accusé le « lobby sioniste » lorsque Salah a été expulsé de Grande-Bretagne. Ce qui est en soi indéniablement antisémite. Aucune mention du procès. Corbyn n’a jamais évoqué les propos de Salah, encore moins les a-t-il condamnés. Il n’a jamais tenté de découvrir de bonne foi pourquoi Salah pouvait être un figure problématique pour les Juifs et les Britanniques. Il a immédiatement déclaré que Salah était complètement innocent et qu’il était la victime d’une conspiration de la part du « lobby sioniste14».
  • Jawad Botmeh et Samar Alami ont tous les deux été accusés d’avoir participé à une attaque à la voiture piégée sur l’ambassade israélienne et une association caritative juive à Kensington. Corbyn a fait campagne pour leur libération15.
  • Dans une de ses nombreuses apparitions rémunérées à Press TV, la chaîne iranienne (sept mois après que la chaîne a perdu sa licence Ofcom pour le rôle qu’elle avait joué dans la torture d’un journaliste16), Corbyn est aux côtés du Dr Abdul Aziz Ylar, un terroriste du Hamas condamné à mort pour sa participation à un attentat suicide qui a tué sept personnes à Jérusalem en 2003. Umar a caché les terroristes chez lui et surveillait les lieux pendant qu’on attachait la ceinture d’explosifs du kamikaze. Umar a été libéré un an avant son apparition aux côtés de Corbyn. Il a bénéficié des échanges de prisonniers controversés pour obtenir la libération de Gilad Shalit, soldat israélien capturé. Sur ce sujet, Corbyn a déclaré : « Tout d’abord, il faut se demander pourquoi ces gens sont en prison ». Puis, « j’ai rencontré beaucoup de frères, y compris le frère qui parle ici quand il est sorti de prison, quand j’étais à Doha cette année ». L’interview complète est disponible17.
  • Selon certaines accusations, en 2014, Corbyn était présent à une cérémonie d’hommage à plusieurs vétérans du Fatah et de l’OLP, y compris Salaf Khalaf – dans ses mémoires, il affirme avoir lui-même choisi le tireur qui a assassiné onze athlètes olympiques israéliens aux Jeux Olympiques de Munich en 1972, et d’Atef Bseiso, accusé d’avoir participé à l’organisation de cette attaque. La massacre de Munich a une signification particulière dans la psyché juive – c’était une attaque menée en dehors d’Israël sur des civils désarmés, tués simplement parce qu’ils étaient Juifs et Israéliens. La brutalité de leur assassinat et la décision de continuer les Jeux après une brève suspension a représenté un véritable choc pour les Juifs. Corbyn a affirmé qu’il avait déposé cette couronne de fleurs pour les victimes de l’attaque aérienne israélienne du quartier-général de l’OLP à Tunis, mais selon le Daily Mail la position géographique de Corbyn à ce moment-là est contradictoire. Cette affirmation isolée est peut-être sujette à caution car d’autres témoignages rapportent que Corbyn se trouvait au même endroit que des dignitaires venus rendre hommage aux victimes de l’attaque aérienne. Cependant – un article écrit par Corbyn pour le Morning Star au sujet des événements a été déterré, il y déclarait : « les couronnes ont été déposées sur les tombes de ceux qui sont morts ce jour-là et sur les tombes d’autres personnes tuées par les agents du Mossad à Paris en 1991 ». Corbyn n’a pas précisé de qui il parlait (Bseiso a été tué à Paris en 1992, Khalaf assasiné en Tunisie en 1991). Corbyn a plus tard en partie reconnu les faits en disant qu’il avait assisté à une telle cérémonie mais n’était pas « impliqué ». Une déclaration qui a conduit de nombreux Juifs britanniques à définir les positions de Corbyn comme de l’antisémitisme. Channel 4 a procédé à une vérification des faits, des déclarations et contre-déclarations18. Ici encore, à vous de trancher.

Corbyn et la Shoah

  • Corbyn est resté le soutien influent d’une organisation anti-israélienne, Deir Yassin Remembered (DYR), des années après que ses fondateurs (y compris Paul Eisen) aient été dénoncés comme négationnistes, malgré ses déclarations qui affirmaient qu’il avait rompu après l’étalage des positions d’Eisen sur la place publique.
  • En 2010, Corbyn a accueilli, lors de la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, un événement appelé « Plus jamais pour personne, d’Auschwitz à Gaza ». Lors de cet événement, un survivant d’Auschwitz anti-sioniste, Hajo Meyer qui est mort en 2014 à l’âge de 90 ans, a comparé la politique israélienne au régime nazi. La principale discussion était intitulée « Du mauvais usage de l’Holocauste à des fins politiques ». Si on doit reconnaître qu’avec la participation d’un rescapé de la Shoah, cet événement se situe dans la zone grise, Corbyn lui-même ne peut pas prétendre y être. À ce meeting, est aussi intervenu par téléphone depuis Gaza un militant palestinien, Haidar Eid, qui a déclaré : « Le monde a eu tort de croire que le nazisme a été vaincu en 1945. Le nazisme a gagné parce qu’il a finalement réussi à nazifier la conscience de ses propres victimes. » Sur ce point, Corbyn a présenté ses excuses publiquement, des excuses extraordinairement rares : « Par le passé, cherchant à rendre justice au peuple palestinien et avocat de la paix, j’ai pu apparaître sur des programmes politiques aux côtés de gens dont je rejette complètement les idées. Je m’excuse pour les inquiétudes et l’angoisse que cela a causées19. »
  • En 2011, le Chancelier de l’ombre John McDonnell a proposé une motion parlementaire pour changer le nom de la journée dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste en « Journée du génocide – jamais plus pour personne 20». Cette motion a été soutenue par Corbyn, entre autres, même si ce soutien politique a eu peu de poids. Le plus troublant est que McDonnell, considéré unanimement comme un des alliés politiques les plus proches de Corbyn, ait proposé une motion parlementaire pour éradiquer la judaïté de la mémoire de l’Holocauste21.
  • Corbyn a écrit une lettre de défense du Révérend Stephen Sizer, après que celui-ci ait partagé l’article d’un site dont les contenus étaient aussi antisémites et négationnistes. On peut juger plausible que Révérend n’ait pas eu connaissance de la teneur antisémite du site, mais Corbyn est allé plus loin et a sous-entendu que Sizer était attaqué par « certains individus22». Plus tard, Sizer s’est mis à affirmer qu’Israël était responsable du 11 septembre, une théorie conspirationniste bien-connue 23, aux relents antisémites notoires.

D’autres incidents significatifs

  • Une fresque. En 2012, une fresque de Mear One était visible dans l’East londonien. Son imaginaire était clairement antisémite. Elle montrait des hommes aux nez crochus jouant au Monopoly sur le dos des travailleurs opprimés. Hors de son contexte, on aurait pu la prendre pour un dépliant de propagande nazie. Quand l’artiste Mear One a publié sur Facebook que la fresque avait été recouverte, Corbyn a répondu : « Pourquoi ? On est en bonne compagnie. Rockerfeller [sic] a détruit une fresque de Diego Viera [sic] parce que Lénine y figurait24. » Plus tard, Corbyn a affirmé qu’il n’avait pas regardé assez attentivement et qu’il n’avait pas remarqué les tropes antisémites immédiatement visibles dans l’image. Présent mais pas impliqué. La fresque est visible plus bas. Jugez par vous-mêmes.
  • En 2013, Corbyn (parlant d’un groupe de « sionistes » qui avaient assisté à une réunion au Parlement où était intervenu Manuel Hassassian, l’ambassadeur palestinien en Grande-Bretagne) a affirmé que les « sionistes par chance silencieux » dans le public posaient « deux problèmes – premièrement, ils ne veulent pas étudier l’histoire et deuxièmement, même s’ils ont vécu longtemps dans ce pays, probablement toute leur vie, ils ne comprennent pas l’humour anglais »25. Waouh. Pour moi, personnellement, c’est à ce moment-là que l’antisémitisme de Corbyn est devenu indubitable. Ses soutiens peuvent toujours affirmer qu’il n’a pas voulu dire Juif, qu’il parlait des sionistes politiques (ils veulent dire qui soutiennent l’État d’Israël) mais si c’est le cas, pourquoi ses propos seraient-ils aussi racialisés ? L’article d’un commentateur juif anti-sioniste explicite pourquoi ces propos sont clairement pleins de sous-entendus racistes26. À mon avis, cette déclaration qui fait des Juifs des étrangers – « ils ont vécu longtemps dans ce pays, probablement toute leur vie » – ne peut être lue que d’une manière : même si ce sont des citoyens britanniques qui ont passé toute leur vie ici, ils n’en font pas réellement partie du pays. Ils ne comprennent pas l’humour anglais. Ils ne sont pas comme nous. Les soutiens de Corbyn ont aussi tenté de montrer qu’il parlait d’un groupe de sionistes particuliers, je leur pose donc la question – une injure raciale est-elle moins raciste quand elle elle vise des individus d’un groupe minoritaire et non un collectif ? Regardez cette vidéo27.
  • En 2008, lors d’un meeting, Corbyn, à la tribune aux côtés d’Ismail Patel, chef d’orchestre de la campagne « les amis d’Al-Aqsa », notait : « Nous constatons l’impact du sionisme sur les Palestiniens, mais il a eu aussi un effet dévastateur sur la communauté juive elle-même : il les a rendu immoraux. Comment une communauté peut-elle célébrer les soixante ans de la dépossession ? Comment une communauté peut-elle célébrer le meurtre de Palestiniens innocents ? Voilà ce que le sionisme a fait à la foi judaïque. » Patel, par la suite, a affirmé que deux groupes, les Juifs pour la Justice en Palestine (Jews for Justice) et les anti-sionistes ultra-orthodoxes Neturei Karta – ce groupe est d’ailleurs extrêmement controversé – ont « dépassé le sionisme et compris ce qu’était vraiment le sionisme ». Ce qui signifie que tous les Juifs qui s’opposent à ces deux groupes sont immoraux et célèbrent la mort des Palestiniens. Corbyn est vu en train de saluer à la tribune quelqu’un dans la foule alors que les propos en question sont prononcés. La vidéo est disponible28. Présent mais pas impliqué.
  • Dans un documentaire Vice de 2016, à propos de l’article d’un journaliste juif, Jonathan Freedland dans le Guardian qui affirmait que le Labour dirigé par Corbyn avait un problème avec l’antisémitisme, ce dernier parlait de « perfidie insidieuse tout à fait répugnante ». Freddland avait tenté par tous les moyens dans son article de défendre l’idée que Corbyn n’était pas personnellement antisémite.
  • En 2012, durant une de ses apparitions désormais bien connues à TV Press, la chaîne iranienne, Corbyn suggérait, sans se fonder sur aucun fait établi, que « la main d’Israël » était cachée derrière une attaque terroriste envers la police égyptienne (dont une partie se déroulait sur le sol israélien), prétendant que c’était une attaque cachée pour « tuer des Égyptiens » et déstabiliser les relations entre la Palestine et le gouvernement égyptien29.
  • Corbyn a écrit une préface à l’ouvrage de John Atkinson Hobson de 1902, Imperialism : A Study30. Hobsonyaffirme que la finance européenne est contrôlée par « les hommes d’une race unique et particulière », des contenus clairement antisémites apparaissent dans l’ouvrage. Corbyn ne fait aucune mention de ces éléments antisémites et qualifie le livre de « brillant ». Il n’est pas rare de voir des dirigeants politiques rendre hommage à des figures historiques aux vues douteuses, mais des chapitres entiers du livre reposent sur des théories complotistes antisémites et il est profondément dérangeant que Corbyn ne s’en soit pas rendu compte ou n’ait pas cru bon d’en avertir le lecteur d’une manière ou d’une autre alors qu’il donne du crédit à l’ouvrage. Une fois encore, l’alternative est simple : soit Corbyn n’est pas capable de reconnaître l’antisémitisme soit, quand c’est le cas, il n’accorde aucune importance à la chose.
  • Le rapport Chakrabarti, officiellement l’Enquête Chakrabarti, sur l’antisémitisme au sein du Labour a été commandé le 29 avril 2016, après deux incidents : le partage d’un dessin animé antisémite par la députée Naz Shah qui a entraîné sa suspension, et la défense de Shah par l’ancien maire de Londres, Ken Livingstone. Le dessin animé proposait qu’Israël déménage aux États-Unis et Livingstone affirmait, entre autres arguments pour défendre Shah, qu’Adolph Hitler « soutenait le sionisme » et travaillait à une terre-refuge pour les Juifs « avant de devenir fou et de finir par tuer six millions de Juifs ». Le rapport publié le 30 juin 2016, tout en proposant plusieurs changements / lignes directrices autour des discriminations en général et de l’antisémitisme en particulier, concluait que le Labour n’était pas « envahi par l’antisémitisme, l’islamophobie ou d’autres formes de racismes », bien qu’il notait « une atmosphère parfois toxique » et « des preuves bien établies de comportements relevant de l’ignorance ». Un événement a assombri la présentation du rapport : l’activiste Marc Wadsworth, en voyant la députée juive Ruth Smeeth parler à un journaliste du Telegraph, l’a accusée de travailler « main dans la main » avec ce journal et les médias de droite en général. Corbyn, qui était présent à cette présentation, n’a pas dit pas un mot pour prendre la défense de Smeeth qui a déclaré plus tard : « c’est absolument incroyable que quelqu’un vienne assister à la présentation d’un rapport sur l’antisémitisme au sein du Labour et adopte au sujet des Juifs des théories conspirationnistes aussi abjectes, ces théories que le rapport de Mme Chakrabarti révélait, tandis le dirigeant de mon propre Parti était là mais n’a absolument rien fait… un Labour géré par ce personnage ne peut être un lieu sûr pour les Juifs britanniques. » Corbyn n’a pas ouvert la bouche quand Smeeth a été interpellée et a quitté les lieux en larmes. Présent mais pas impliqué. Plus tard, Corbyn a été vu en train de parler avec Marc Wadmworth. Corbyn a précisé qu’il avait vu ce qui s’était passé et avait envoyé un SMS à Marc Wadmworth. On peut consulter cet échange amical31. Shami Chakrabarti a été nommée paire du Labour par Jeremy Corbyn en juin 2016. C’était la seule nomination à la Chambre des Lords ce mois-là. Le Home Affairs Select Committee a qualifié l’enquête Chakrabarti de « compromise » et a déclaré plus tard que « les manquements répétés du Labour ces dernières années dans le traitement des incidents antisémites risquent de renforcer les accusations que certains éléments de ce Parti sont institutionnellement antisémites ».
  • La définition de l’antisémitisme donnée par l’IHRA (l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste). À l’été 2018, lorsque le Labour, après avoir promis d’adopter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, a adopté à la place une version modifiée32, sans consulter aucun groupe juif au sein du Parti, un énorme débat interne a éclaté. L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste a proposé une définition standard de l’antisémitisme, reconnue par plus de trente pays et 130 communes britanniques, la police et le Crown Prosecution Service. Aucune définition n’est parfaite et, eu sein de la communauté juive, celle-ci fait débat – mais la chose à faire, c’est inclure les Juifs dans les débats qui concernent la définition de leur propre oppression. En réalité, le rapport McPherson précise qu’il est nécessaire que ce soient les groupes minoritaires qui définissent leur propre oppression33. La définition de l’IHRA donne 11 exemples parlants mais non-restrictifs d’« antisémitisme contemporain » et laisse la possibilité que d’autres soient rajoutés. Le Labour a adopté une version modifiée d’où ont été omis les exemples qui se rapportaient à la « double-appartenance » (exemple 6), l’affirmation que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste (exemple 7) et la comparaison de la politique israélienne contemporaine et celle des Nazis (exemple 10). La « double-appartenance » figure dans la définition du Labour, mais plus loin dans le document, elle est qualifiée de « fausse ». La définition du Labour affirme ensuite que des propos donnés ne sont pas antisémites à moins que « l’intention antisémite ne soit évidente ». En décembre 2018, après plusieurs mois de tension, une période qui a cristallisé dans la tête de beaucoup de militants le récit « eux et nous » contre les Juifs, le Labour a adopté la définition de l’IHRA dans sa totalité. Corbyn lui-même a passé plusieurs heures dans la dernière réunion à tenter d’y joindre une déclaration supplémentaire, mais elle a été finalement rejetée34. La critique a reprise de la part des groupes juifs puisque l’adoption s’accompagnait de cette déclaration, « cela ne devra en aucun cas museler la liberté d’expression concernant Israël ou les droits des Palestiniens35 ».
  • Tout un article serait nécessaire pour détailler les choses épouvantables qu’a subies Luciana Berger, une députée juive forcée de quitter le Parti après une virulente campagne antisémite. Heureusement, Marlon Solomon a déjà écrit cet article36. Dans une interview, Corbyn répond au fait que Berger ait dû se faire accompagner par la police au Congrès de son propre Parti avant son départ du Labour37. Le manque d’empathie dont il fait preuve s’est gravé en moi, depuis que j’ai vu cet interview, il y a plus d’un an.

Le Labour est-il institutionnellement antisémite ?

L’enquête de l’EHRC

À l’heure où j’écris ceci, le rapport accablant du Jewish Labour Movement pour l’EHRC, qui enquête sur l’antisémitisme institutionnel au sein du Labour, vient de fuiter 38. Certaines informations sont nouvelles, d’autres sont déjà apparues dans le documentaire récapitulatif, Is Labour antisemitic ? (Le Labour est-il antisémite 39?). Ce documentaire est en tant que tel digne d’intérêt, en particulier si on s’intéresse à l’ingérence du Bureau dirigeant et au rôle de Thomas Gardiner 40 dans le scandale 41.

Les informations publiées sont nouvelles et importantes, je vais me contenter d’évoquer quelques incidents particulièrement notoires de ces quatre dernières années. Mais, tout d’abord, j’aimerais mentionner la culture interne au Parti qu’a révélée le rapport. Dave Rich l’a publié sur son fil Tweeter42 ainsi que Frances Weetman, je vais réitérer leurs observations et les étayer :

  • Comme le souligne Dave Rich, le rapport diagnostique l’enracinement de l’antisémitisme à tous les niveaux du Parti – réunions, congrès et internet.
  • Dave l’explique : la direction du Parti et ses cadres ont été des complices actifs et ont permis à cette situation de s’installer. La direction a « de manière répétée nié le problème, soutenu les personnes accusées d’antisémitisme et encouragées l’idée qu’il ne s’agissait que de calomnie ».
  • « Les gens qui ont fait eux-mêmes des remarques antisémites, ou qui croient que les accusations d’antisémitisme ne sont qu’une calomnie sont promus, ils sont nommés candidats, deviennent dirigeants ou personnels de commissions-clés alors que les dénonciateurs et ceux qui se plaignent sont attaqués. »
  • « Les chiffres internes du Parti sur l’antisémitisme sont des coquilles vides parce que ceux qui produisent ces statistiques travaillent activement à bloquer toute affaire disciplinaire, à réduire les sanctions et à garder les cas avérés sous le tapis. » Rich poursuit en expliquant comment, l’année dernière, certains cas n’ont pas été recensés puis l’ont été après avoir été expurgés par des fidèles de Corbyn. Des mails personnels et des documents USB ont été utilisés pour éviter de laisser des traces numériques.
  • Frances Weetman relève en détail certains incidents. « Un membre du Jewish Labour a fait une liste de 22 cas de violence antisémite dirigés contre lui durant des réunions du CLIP (Central Local Information Partnership)43, y compris ces mots : « Hitler avait raison », « tueur d’enfants », « boucle-là, sale Juif ». » Un autre membre du Parti, juif, « lors du Congrès du Parti, a partagé sa table au déjeuner avec des délégués qui étaient d’accord sur le fait que les Juifs étaient « des sous-hommes » et devaient « s’estimer heureux qu’on ne les oblige pas à manger du bacon tous les jours » ». Selon un autre membre du Labour Juif « un article qui affirmait que les Juifs étaient sur-représentés dans la classe capitaliste était défendu sur la liste mail officielle du Parti. » Un lycéen a été « contraint de quitter le Forum du Labour sur Facebook après que des membres aient passés au crible son compte à la recherche de des liens vers des organisations juives ». Quand un membre du Labour juif a fait un commentaire en ligne pour condamner la négation de l’Holocauste, « l’administrateur du groupe du Forum du Parti lui a répondu en l’appelant un « troll au service de la Hasbara44 » ». Une autre membre juive a «  reçu des menaces de mort après avoir été filmée complètement bouleversée en train de regarder un débat sur l’antisémitisme au Congrès du Labour. » Et ainsi de suite. Il vaut mieux lire tout le fil de Frances45.

Les Juifs de service

Cela représente une part énorme de l’éco-système antisémite, l’utilisation des individus juifs ou de personnes revendiquant leur origine juive (cela arrive souvent sur Tweeter – l’administrateur d’un compte affirme être juif, soutenir Jeremy Corbyn puis change le récit de ses origines, ou bien il s’avère qu’il a fait des déclarations différentes par le passé et ferme quand on lui pose des questions). Ces gens qui se déclarent tout à coup d’origine juive pour soutenir Corbyn se sont tellement multipliés qu’on leur a donné un nom : les « AsaJews » (« En-tant-que-Juifs »).

Fréquemment, des lettres sont écrites en soutien au Labour et à Corbyn, toujours signées par les mêmes cent noms juifs – on se rend compte assez vite que beaucoup partagent eux-mêmes des contenus antisémites46.

Des individus ou des groupes marginaux juifs, comme Jewish Voice for Labour (voir ci-dessous), sont fréquemment utilisés pour affirmer que la communauté juive est extrêmement divisée sur le problème de l’antisémitisme au sein du Labour, et c’est très efficace. De nombreux amis non-juifs considèrent que c’est vrai, malgré des sondages répétés qui montrent qu’environ 86% des Juifs britanniques se disent préoccupés par le problème de l’antisémitisme au sein du Labour 47. Des médias et des experts favorables à Corbyn ont partagé des posts et des articles de membres de JVL pour justifier la minimisation des accusations d’antisémitisme au sein du Parti. Corbyn lui-même a utilisé la petite fraction de voix juives qui lui étaient favorables pour justifier à tout prix le fait d’ignorer ceux avec qui il était en désaccord48.

Comme dans toute communauté, les désaccords et les débats autour de ce qui relève véritablement de la discrimination et ce qui n’en est pas sont légitimes – et il est toujours important de ne pas étouffer les voix minoritaires. Mais trop souvent, des experts non-juifs ou des hommes politiques ont utilisé ces voix pour forcer le trait sur ces divisions, ou pour monter en épingle les quelques voix juives en leur faveur.

Jewish Voice for Labour

Jewish Voice for Labour49 a été créé en 2017, ostensiblement, semble-t-il, pour s’opposer aux accusations d’antisémitisme contre Jeremy Corbyn et le Labour. Sa présidente, Jenny Manson, a déclaré qu’elle « avait commencé à se définir comme juive pour pouvoir se battre contre l’État d’Israël » et le but central du JVL est de « contrer les accusations d’antisémitisme au sein du Labour ».

Selon Manson, le groupe n’est pas anti-sioniste mais cherche à donner un espace politique aux Juifs qui ne soutiennent pas le Jewish Labour Mouvement, « dont l’orientation est profondément sioniste ».

Le JVL a déclaré que ses objectifs sont « de renforcer le Parti dans son opposition à toute forme de racisme, y compris l’antisémitisme… de préserver le droit des soutiens à la justice en Palestine à s’engager dans des actions de solidarité » et « de s’opposer à toutes les tentatives d’élargir la définition de l’antisémitisme au-delà de sa signification d’hostilité ou de discrimination envers les Juifs. »

Le JVL a défendu Ken Livingstone, Jackie Walker, Marc Wadsworth, Chris Williamson et Moshe Machover 50. Il a été critiqué par diverses figures, y compris par un des fondateurs de Momentum51, Jon Lansmann (JVL est « une organisation qui est non seulement minuscule mais n’a pas le moindre lien véritable avec la communauté juive »), la présidente du Board of Deputies of British Jews52 Marie van der Zyl et par le Président du Jewish Leadership53 Council Jonathan Goldstein54.

Le secrétaire du JVL Glyn Secker a été enregistré en train de parler du Jewish Labour Movement comme de la cinquième colonne. Il avait programmé une formation sur l’antisémitisme pour les membres du Labour de Reading et de son district mais elle a été annulée par la suite. D’autres membres du JLV ont fait des déclarations antisémites et même négationnistes.

Les chevaliers servants de Corbyn

La version de la « calomnie », ce sont des médias et des organisations favorables à Corbyn, comme The Canary, Novara media et d’autres qui lui ont donné du poids. Des individus-clés l’ont popularisée. Leurs positions ont varié en fonction des moments, mais leur voix a systématiquement recouvert celle de la majorité de la communauté juive afin de discréditer ou de minimiser les accusations d’antisémitisme.

Étrangement, ces chevaliers servants ont de temps en temps de brèves prises de conscience, ils semblent comprendre la gravité de la situation et l’ampleur du problème de l’antisémitisme, mais immédiatement après, ils recommencent leur déni, leur enfumage et leur pathologisation des Juifs britanniques.

Owen Jones, un militant de gauche bien connu, dont j’étais jadis une grande fan, est un de ces experts, son appel désormais célèbre à « une guerre totale55» contre l’antisémitisme a été quelque peu sapé par sa minimisation constante du problème, il a relégué cette question qu’il fallait traiter, certes, mais qui n’était pas aussi sérieuse qu’on voulait bien le croire. J’aimerais joindre le lien vers certains de ses tweets mais, par souci de transparence, il m’a bloquée parce que je l’avais appelé « Sorting Twat56» (connard qui publie ce qui l’arrange). C’est fair play.

Ash Sarkar, une héroïne anti-raciste et anti-establishment pour beaucoup, a défendu qu’il était légitime de recouvrir le mur du ghetto de Varsovie avec ces mots : « Gaza et Palestine libres. Libérez tous les ghettos57 ». Attribuer aux morts de l’Holocauste la responsabilité collective d’un conflit qui n’avait même pas encore eu lieu sur le site du mémorial, cela semble correspondre à la définition du racisme…. mais Sarkar a été plus tard invitée à s’exprimer en tant que spécialiste dans un documentaire sur la Shoah.

Aaron Bastani aussi a systématiquement minimisé ou nié les accusations d’antisémitisme du Labour. Il suffit de jeter un coup d’oeil à son compte Twitter pour en avoir la preuve. Il a eu un bref moment de prise de conscience58. Malheureusement, cela n’a pas duré.

Quelques cas mieux connus

  • Jackie Walker est une militante de gauche qui a soutenu Corbyn et l’ancien vice-président de Momentum, elle se définit comme Juive et a affirmé que sa mère était une Juive séfarade noire de Jamaïque59. En février 2016, dans un discussion privée sur Facebook60 au sujet de « la dette » due aux Juifs après la Shoah, elle a accusé les Juifs d’avoir orchestré le commerce triangulaire : « [L’oppression des Noirs] continue aujourd’hui à une échelle mondiale contrairement aux Juifs… et beaucoup de Juifs (mes ancêtres également) étaient les chefs financiers de l’industrie sucrière et esclavagiste ce qui explique bien sûr pourquoi il y a tant de synagogues très anciennes aux Caraïbes. » La JC a publié ses propos en mai 2016 qui ont été découverts par le Israel Advocacy Movement. Elle a été suspendue par le Labour mais, conformément aux conclusions d’une enquête interne, rendues en quelques semaines, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. En septembre 2016, Walker a assisté à une session de formation du JLM sur l’antisémitisme puis a fait l’objet, après les propos qu’elle y avait tenus, d’une seconde enquête du Labour. Le président du JLM, Jeremy Newmark, a déclaré que Walker avait œuvré pour « dénigrer toutes les mesures prises pour la sécurité des écoles juives » quand, à la réunion, elle avait déclaré : « je suis quelque peu préoccupée par le fait que vous sous-entendiez que la communauté juive est menacée au point de faire appel à la sécurité dans tous ses bâtiments. J’ai un petit-fils, il a un an. La crèche est surveillée comme toutes les écoles désormais. Ce n’est pas parce que je suis effrayée ou que ses parents le sont qu’il va effectivement être attaqué. » Walker a été suspendue du Parti61, en attendant une deuxième enquête qui, après renvoi devant le NCC 62du Labour, a conduit à son expulsion du Labour en 2019 63 pour « préjugés et comportement hautement préjudiciable au Parti. » Une pression énorme a été nécessaire pour obtenir son expulsion et près de trois ans s’étaient écoulés depuis ses premiers propos antisémites.
  • Kayla Bibby, une militante du Labour, a partagé l’image d’un facehugger (« étreigneur de visage », larve d’alien) sur la statue de la liberté, avec une étoile de David sur le dos (l’alien)64. L’image, partagée avec le commentaire – « la meilleure photo que j’ai vue cette année » – provenait d’un site d’extrême-droite et Bibby a contacté elle-même l’auteur de l’image pour lui demander le lien de téléchargement. Elle a été autorisée à rester dans ses fonctions de déléguée nationale de sa circonscription. Elle n’a pas été suspendue car l’image a été jugée par le Labour (Thomas Gardiner) anti-israélienne mais pas antisémite. Pendant une année entière, Bibby n’a pas été suspendue, elle ne l’a été qu’après que l’affaire a reçue une attention médiatique. Elle était alors autorisée à assister au Congrès du Parti.
  • Chris Williamson était député du Labour à Derby North. Il critiquait avec virulence les accusations d’antisémitisme dans le Parti65, qu’il qualifiait de guerre par procuration ou merdier et il a déclaré : « je ne dis pas que cela n’est jamais arrivé mais en réalité c’est un sale coup bas, en particulier la calomnie d’antisémitisme. Beaucoup de gens dans la communauté juive sont atterrés par ce qu’ils considèrent comme une instrumentalisation de l’antisémitisme à des fins politiques. » Il a aussi été forcé de s’excuser après avoir défendu un antisémite notoire, Gilad Atzmon66. Williamson a été suspendu en février 2019, après des propos affirmant que le Labour « laissait trop de place [aux accusations d’antisémitisme] et s’excusait trop ». Il a été réadmis dans le Parti en juin 2019 mais ensuite suspendu quelques jours après car la décision de lever sa suspension a été contestée. D’autres accusations de récidives et de comportements antisémites ont été faites contre lui qui ont conduit à la prolongation de sa suspension le 3 septembre 2019.
  • Pete Willsman est un militant du Labour et membre de la direction (National Executive Committee). En 2018, il a été enregistré en train de déclarer que ceux qui dénonçaient l’antisémitisme dans le Labour étaient des « supporters de Trump67 », et qu’il fallait exiger des preuves de tous ceux qui dénonçaient « la gravité et l’expansion de l’antisémitisme ». En mai 2019, un enregistrement de Willsman est sorti où il parlait à l’auteur israélo-américain Tuvia Tenenbom en ignorant son identité : « il est quasi-certain que c’est l’ambassade israélienne. Ils ont attrapé des gens du Labour. On a découvert que c’étaient des agents de l’ambassade israélienne68 ». Plus tard, il a dénoncé la lettre sur l’antisémitisme du Labour signée par 68 rabbins comme étant « clairement organisée par l’ambassade israélienne ».
  • L’ex-candidat du Labour dans le district de Peterborough, Alan Bull, a partagé des posts affirmant que « l’assassinat de six millions de Juifs est une mystification69». Selon ces posts, « le rapport de la Croix rouge internationale confirme que l’Holocauste de six millions de Juifs est une mystification » et, par ailleurs, Israël et ISIS travaillent main dans la main. Bull a prétendu qu’il avait partagé le post négationniste sans commentaire, qu’il n’approuvait pas son contenu mais l’avait publié pour que cela ouvre un débat. Mais il a aussi partagé de « prétendues » photos de lui manifestant devant le musée de l’Holocauste à Washington D.C., avec des drapeaux palestiniens, ou a affirmé que John F. Kennedy, Robin Cook et d’autres avaient été assassinés par le Mossad. Bull a prétendu que les photos étaient truquées. Christine Shawcroft, à la tête du groupe de règlement des conflits, s’est opposée à sa suspension, elle a envoyé un mail demandant sa réintégration dans ses fonctions de candidat aux élections municipales de mai 2018. Elle prétend qu’elle n’avait pas connaissance des posts négationnistes, mais que son premier mail qui s’opposait à la suspension de Bull disait qu’elle était « inquiète » d’apprendre cette suspension et que le post de Bull était « complètement sorti de son contexte et faisait soi-disant preuve d’antisémitisme. » Shawcroft a démissionné en mars 2018.
  • Autre cas célèbre, celui de Leslie Perrin. Elle a posté en 2017 une vidéo niant l’existence de la Shoah et remettant en cause le chiffre des six millions de morts, vidéo pour laquelle elle n’a reçu qu’une lettre d’avertissement en 2019. Aucune autre sanction n’a été prise. Dans une interview avec Andrew Neil, Corbyn a affirmé qu’une telle erreur s’était produite parce qu’il n’avait pas encore mis en place les procédures adaptées, une affirmation qu’il a utilisée maintes fois dès qu’on l’interrogeait sur des cas de cette gravité70.

Incidents et déclarations antisémite des candidats aux élections législatives de 2019

  • Maria Carroll, candidate du Labour à Carmarthen East, a administré un groupe Facebook71 dont le but était d’aider ses membres à se défendre contre les accusations d’antisémitisme et d’autres accusations disciplinaires. Allan Bull faisait partie de ce groupe.
  • Bill Curran était candidat à Caithness, Sutherland et Easter Ross, exclu du Labour pour son soutien à Chris Williamson72.
  • Il y a eu des remous autour de Gordon Nardell, candidat dans la circonscription de Londres et Westminster – il a été accusé d’inaction contre les problèmes d’antisémitisme73 et d’accointance avec la direction du Labour.
  • Gideon Bull, candidat à Clacton a été contraint de quitter le Labour suite à la révélation qu’il avait appelé un camarade juif « Shylock74». Bull a prétendu qu’il ne savait pas que le célèbre personnage de Shakespeare était juif.
  • Zarah Sultana (Coventry South) a démissionné après la révélation de posts75 où elle disait qu’elle fêterait la mort de Blair et de Netanyahu et soutenait la « résistance violente » des Palestiniens.
  • Kate Ramsden (Gordon, Scotland) a démissionné après des posts comparant Israël à un enfant maltraité qui se met lui-même à maltraiter par la suite76. Elle a aussi déclaré et ses déclarations ont été enregistrées qu’elle avait écrit que les accusations d’antisémitisme étaient « orchestrées par l’establishment financier qui ne veut pas d’un gouvernement socialiste dirigé par le Labour ».
  • Même le candidat implanté dans la circonscription de Boris Johnson, Ali Milani, a un passé problématique, il a fait des déclarations antisémites. Il s’est excusé, certes, mais était-il impossible, alors qu’il y avait une chance de renverser le pire Premier Ministre britannique de mémoire vivante, de ne pas exiger des Juifs de gauche qu’ils se compromettent en votant contre lui ? N’y avait-il personne de disponible qui ait eu les mains propres ?
  • Le militant Danny Stone a répertorié très minutieusement sur son fil les cas d’antisémitisme de la part du Labour pendant ces élections législatives.
  • Pour l’anecdote, j’ai entendu parler de plusieurs incidents inquiétants, des assesseurs qui se moquaient, à l’entrée des bureaux, de votants juifs et tournaient en dérision les inquiétudes des Juifs au sujet de l’antisémitisme. Malheureusement, Jewish for Labour semble pratiquer et valoriser ce type d’approche77.

Corbyn est-il personnellement antisémite ?

Oui. Non. Je ne sais pas. Est-ce important ?

Franchement, je pense que, du fond du cœur, il croit ne pas l’être. Cela ne veut pas dire qu’il n’ait pas des préjugés antisémites si profondément ancrés qu’ils sont difficiles à reconnaître. L’argument selon lequel quelqu’un n’est pas raciste car il est persuadé de ne pas l’être est sans intérêt voire discutable. La plupart des racistes, à part des néo-nazis hardcore qui portent leur racisme comme une médaille, pensent qu’ils ne sont pas racistes. Ils pensent avoir raison. C’est comme cela que les préjugés fonctionnent.

Corbyn, à mon avis, est, au fond, incapable de reconnaître l’antisémitisme, que ce soit sous une forme élémentaire et évidente, ou sous des dehors plus complexes et quand il est intriqué à la critique d’Israël. Il a montré de manière répétée que, selon lui, il est victime d’une cabale, qu’il ne veut pas s’abaisser à affronter l’entièreté du problème et qu’il est au-dessus de tout reproche. Il n’a jamais, dans aucun entretien, nommé les formes les plus élémentaires d’antisémitisme et a refusé de s’excuser directement et sans atermoyer pour son rôle dans cette crise78. Son bureau, et en réalité Corbyn lui-même, ont participé activement à mettre sous le tapis les accusations d’antisémitisme.

Je pense souvent que les choses auraient pu se passer autrement si Corbyn, ne serait-ce qu’une fois, avait évoqué frontalement les inquiétudes de la communauté juive. Voilà tout ce qu’il avait à dire : « je me rends compte que, par le passé, j’ai fait alliance avec des groupes extrémistes et soutenu des gens que, rétrospectivement, il ne fallait pas soutenir. Je comprends la communauté juive et m’excuse pour mes alliances passées ». Il a fait une déclaration de ce genre pour, peut-être, un des incidents (listés plus hauts) et a continué sur la même voie sans rien changer ou faire preuve d’aucune bonne volonté envers la communauté juive.

Au contraire, Corbyn a enfoncé le clou et a répété souvent ces quatre dernières années qu’il avait été « anti-raciste toute sa vie », qu’il abhorrait « toute forme de racisme », que sa « mère était à Cable Street79 » ou qu’il n’y avait pas « une once de racisme en lui ». Comprenez – moi, personne infaillible, ai toujours été dénué de tout racisme, c’est pourquoi je n’ai jamais eu besoin de revenir sur mon propre comportement.

Dans les entretiens qu’il donne sur le sujet, Corbyn a systématiquement refusé de présenter des excuses sincères et il a préféré mentir en distant que le problème était déjà réglé.

Que Corbyn le veuille ou non, il est devenu une figure de proue pour les antisémites. Ces derniers ont afflué dans le Parti dirigé par Corbyn. Ils clamaient sur les réseaux sociaux qu’il ne fallait pas « capituler » devant la communauté juive, car, fondamentalement, ces gens ne font pas confiance aux Juifs et les exècrent.

Si, en tant qu’« anti-raciste de toute une vie » j’étais, d’une manière ou d’une autre, même involontairement, devenu un symbole de laisser-faire et de résurgence du racisme contre un groupe minoritaire, je considèrerais que le travail de toute ma vie s’est avéré n’être qu’un échec nuisible à l’humanité. J’aurais honte, je serais désolée et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour me faire mieux comprendre, former les gens et les éloigner de la haine que j’ai contribué à nourrir. Mais peut-être qu’il ne s’agit que de moi.

Ne pas voter pour le Labour, c’est donner du pouvoir aux Conservateurs

Cette élection80 représente un choix cornélien (du moins, pour moi), j’ai peur de ne pas avoir de réponse. Des deux côtés, je suis terrifiée pour le pays. Je ne voterai jamais pour les Conservateurs. Je ne pourrai jamais voter pour la politique qu’ils incarnent ni ne souhaiterai jamais l’expulsion de mes amis musulmans. Idéologiquement, et simplement humainement, j’exècre tout ce qu’ils représentent, la manière abominable dont ils ont détruit le pays, la quasi-totalité de notre État social et même, possiblement, notre tissu social.

Alors, s’il-vous-plaît, comprenez que je ne suis pas en train d’essayer de vous convaincre qu’ils sont mieux ou qu’il ne faut pas voter Labour. Je suis sûre que ce que je fais est honnête – je pense que je suis simplement désespérée de faire comprendre aux gens que c’est un véritable sacrifice qu’il faut faire et que je suis la sacrifiée. La situation est désespérée et terrible. Je ne vois aucune issue. J’aimerais simplement, je crois, que les gens soient au courant de la gravité de la situation quand on parle du Labour et de l’antisémitisme au moment où ils font leur choix. Pour beaucoup, ce n’est pas le cas. Moi, personnellement, je vais voter Lib Dem. Je comprends pourquoi beaucoup considèrent que ce n’est pas un bon choix.

Voilà ce qui me met en colère : qu’on me reproche, malgré les dossiers complètement à charge contre Corbyn et le Labour, de ne pas voter pour eux. Je n’ai jamais, jamais, soutenu qu’il fallait voter pour les Conservateurs au nom d’un prétendu bien commun mais, tous les jours, on me somme de faire le contraire. J’y viendrai bientôt quand je parlerai du lourd tribu que j’ai payé ces quatre dernières années.

On attend de moi et on me dit, même des gens qui devraient être un peu avertis, de passer outre l’antisémitisme institutionnel du Labour et de voter quand même pour eux. On me dit que le racisme dans le Parti conservateur est bien pire et que je suis égoïste de faire passer mes propres intérêts avant tout et de ne pas voter pour le Labour.

En plus d’être culpabilisée en tant que victime, je suis bouleversée qu’on en soit arrivé là : les gens ne comprennent pas que nous avons besoin d’un parti de gauche sérieusement anti-raciste. Si on sacrifie ce principe, cela signifie que la gauche a perdu toute autorité morale pour parler au nom de TOUTES les minorités. Comment le Labour, alors qu’il est gangréné par le racisme, pourrait-il combattre le racisme de la droite ? Et croyez-moi, je suis terrifiée par l’augmentation du racisme à droite. Ce n’est pas comme si les Juifs y étaient insensibles. Mais quel programme avons-nous pour combattre le racisme si, lorsque nous demandons de l’aide à nos amis, ils se contentent de hocher la tête et de s’accorder avec nos ennemis ? Qui se bat pour nous ?

Il ne s’agit pas seulement de sacrifier les Juifs. Tout le monde, pratiquement, a montré qu’ils n’en avaient rien à foutre de nous. Ce qui a été sacrifié, c’est un Labour fondé sur des principes. Un Parti dont les positions idéologiques lui permettent de combattre les maux de la société qu’il déclare détester. Les Juifs ne sont que le vent qui précède la tempête. Vous pouvez bien vous moquer du vent. Mais, en réalité, ce qui s’est égaré dans toute cette pagaille, c’est l’âme du parti.

Ce que cela m’a coûté, à titre personnel

Ces quatre dernières années, j’ai consacré un temps incalculable à l’antisémitisme au sein du Labour. Je suis autiste, je n’ai que quelques heures de répit dans la journée. Quand je pense à tout ce que j’aurais pu faire pendant ce temps, professionnellement, personnellement ou pour la société, si je n’avais pas dépensé presque toute mon énergie à rassembler des preuves, à supplier les gens de me croire et à encaisser une violence inouïe, j’ai envie de pleurer.

Ces quatre dernières années, j’ai subi une multitude d’agressions. On m’a dit que j’étais à la solde du gouvernement israélien, on m’a traité de calomniatrice, on a prétendu que je voulais juste protéger mes sous. On m’a dit que j’assassinais des enfants, que c’était ma faute si des gens étaient à la rue, on s’est moqué de moi, on m’a sermonné, on m’a harcelée. On m’a dit, ah, l’antisémitisme, « tu continues », ça devient chiant. On a remis en cause mes idées politiques, on m’a méprisé, on s’est moqué de moi quand je disais que moi aussi j’étais de gauche. On m’a demandé, qu’est-ce qui rend les Juifs si particuliers qu’on doive faire passer leurs inquiétudes avant celles des autres (je n’ai jamais suggéré une chose pareille). On m’a traitée d’égoïste. On m’a dit, il faut « passer outre » pour « le bien commun », pense aux autres pour une fois, ça ira mieux (c’était quelqu’un au boulot). Pour mes peurs devant l’antisémitisme, je n’ai eu que des « ma pauvre cocotte » ou des larmes de crocodiles. Quelqu’un a essayé de monter une cagnotte pour me payer un « aller-simple pour Tel Aviv ». On m’a dit, les Juifs sont un fléau pour l’humanité. Quand je partageais des récits de mon enfance, on me disait qu’un enfant palestinien n’avait pas les mêmes privilèges ou de si beaux souvenirs. On m’a dit que je donnais les verges pour me faire battre, j’attirais l’antisémitisme sur ma tête et je ne n’aidais pas ma propre cause. On m’a dit que j’avais des problèmes psychiques (j’en ai, au passage, comme beaucoup de gens, mais ce n’est pas la question). On m’a appelée « la radoteuse de service » (après j’ai reçu un dépliant qui m’expliquait que les gens étaient bienvenus au Labour quelle que soit leur croyance – je ne me suis jamais sentie aussi bienvenue). On m’a dit, vas te faire foutre, t’as qu’à aller chez les Tories. On m’a dit, c’est facile pour toi, rien à voir avec les handicapés (je suis autiste), on m’a envoyé des messages négationnistes. Un jour, j’ai posté une vidéo de la neige qui tombait, on m’a dit, c’est les cendres du crématorium. J’ai presque eu de la chance. D’autres militants juifs (en particulier des femmes) ont subi des violences qui me rendent malades, je ne vais pas les énumérer ici.

Des soirées entières avec mon mari, des fêtes de famille, des moments joyeux ont été embuées de larmes parce que je m’arrachais les cheveux à essayer d’éduquer, d’expliquer, de supplier, de plaider, d’entendre ou de raisonner… J’ai l’impression que ces quatre dernières années sont si inextricablement mêlées à cette situation que je suis incapable de me rappeler d’un seul moment où je n’ai pas été d’une manière ou d’une autre distraite ou inquiète en essayant de lutter contre cette crise-là.

J’ai développé une maladie chronique liée au stress. J’ai passé des semaines entières au lit. J’ai perdu des amis proches, qui pensaient que la crise de l’antisémitisme dans le Labour n’était « que de la calomnie ». J’ai dû rompre avec ma famille non-juive parce qu’elle partageait des théories conspirationnistes sur Rothschild et des lettres de soutien à Corbyn de Juifs de service qui ne sont en réalité qu’une stricte minorité. J’ai, bien sûr, perdu mon travail. Chaque fois que je rencontrais une nouvelle personne, j’avais peur qu’elle ne soit antisémite ou qu’elle nie le problème. J’ai eu parfois le sentiment que les seules personnes avec qui j’étais en sécurité étaient d’autres Juifs ou des gens qui combattaient activement l’antisémitisme. J’ai rencontré des camarades – j’ai rencontré des Juifs ordinaires qui n’avaient rien à voir avec la politique. Nous avons bu et mangé ensemble, les larmes aux yeux. Nous avons échangé des idées et partagé notre exaspération croissante. La peur était alors palpable et bien réelle.

Je me suis parfois demandé si mon jugement était sain, j’ai douté de ma propre perception de la réalité. J’ai eu l’impression de ne plus avoir de place dans la société britannique mais je me sentais piégée parce que je n’avais pas d’autre choix. Ma santé psychique en a pâti, au point que j’avais des pensées suicidaires. Les gens que j’aime ont été affectés parce qu’ils ont dû prendre du temps pour me surveiller et prendre soin de moi. Plus je parlais, plus on me faisait taire. Ce tweet, que j’ai eu le plaisir de découvrir au réveil hier, résume tout :

« J’ai l’impression que tu veux juste dégager Corbyn et que tu utilises ces accusations d’antisémitisme pour arriver à ton but. Je ne soutiens pas Corbyn, mais plus tu cries au loup, moins j’ai envie de t’écouter et je me demande quel est ton but véritable. »

Je n’ai rien de plus à dire. Je suis terrifiée de la rapidité avec laquelle la culture de ce pays s’est retourné contre les Juifs, la facilité avec laquelle les gens font de nous les bouc-émissaires, nous rendent coupable de détruire Corbyn – leur Messie – et les blâmes qui retomberont sur nous quoiqu’il arrive. J’ai peur que Corbyn gagne, j’ai peur qu’il perde. Je suis bouleversée d’avoir dû me focaliser sur ce problème si bien que la perspective d’avoir encore plus peur de cet affreux gouvernement conservateur n’est qu’une toile de fond cauchemardesque.

Au point où j’en suis, personne n’est obligé de m’écouter. J’ai promis à ma famille, pour ma santé, que je me retirerai et n’écrirai plus sur ce problème au moins jusqu’à la fin de l’année. Voilà tout ce que j’ai envie de dire : si après ce que vous venez de lire, vous pensez toujours qu’il est judicieux de se moquer des Juifs, de dénigrer notre inquiétude, de la considérer comme un problème mineur, tout en bas de la hiérarchie des problèmes, de nous mettre en concurrence avec d’autres minorités ou de nous dire qu’on est des collabos si on ne se bouche pas le nez en votant pour le Labour, peut-être que vous n’êtes pas l’anti-raciste que vous croyez être.

Publié initialement le 07/12/2019 sur medium.com, https://medium.com/@sararoseofficial/everything-i-never-wanted-to-have-to-know-about-labour-and-antisemitism-649b5bc1e576


1https://twitter.com/sara_rose_g/status/1200491338992631808?s=21.

2 NDT : Le Mouvement travailliste juif (JLM), connu sous le nom de Poale Zion de 1903 à 2004, est l’une des plus anciennes sociétés socialistes affiliées au Labour. Ses objectifs sont de maintenir et de promouvoir le sionisme travailliste ou socialiste en tant que mouvement pour l’autodétermination du peuple juif au sein de l’État d’Israël, et de soutenir, développer et promouvoir les activistes politiques qui travaillent à la réalisation des objectifs et des valeurs du mouvement travailliste juif.

3NDT : Le 29 octobre 2020, l’EHRC a publié son rapport sur l’antisémitisme au sein du Labour, dans lequel elle a constaté « de graves manquements de la direction du Labour dans la lutte contre l’antisémitisme et une procédure inadéquate de traitement des plaintes pour antisémitisme » (EHRC, Investigation into antisemitism in the Labour Party, 2020, p.6). Le rapport a trouvé des preuves d’ingérence politique dans les plaintes pour antisémitisme, de manque de formation pour traiter les plaintes pour antisémitisme et de harcèlement, en violation de la loi sur l’égalité de 2010. Après la publication du rapport, Jeremy Corbyn a déclaré que son équipe avait « agi pour accélérer, et non pour entraver le processus », et que l’ampleur de l’antisémitisme au sein du Labour avait été « considérablement surestimée pour des raisons politiques ». Corbyn a été suspendu dans l’attente d’une enquête du Labour, lorsqu’il a refusé de se rétracter. Corbyn a déclaré qu’il « contesterait fermement » sa suspension.

4https://fr.scribd.com/document/438367082/Redacted-JLM-Closing-Submission-to-the-EHRC

5https://medium.com/@nicoletalampert/what-is-the-labour-antisemitism-row-about-f2c9022286e

6https://twitter.com/sara_rose_g/status/978017128908509185?s=21

7NDT : Britain First est un parti politique nationaliste britannique, fondé en 2011 par d’anciens membres du Parti national britannique. BF milite principalement contre l’immigration de masse et contre l’ « islamisation » du Royaume-Uni. Le parti prône aussi le conservatisme social chrétien.

8https://inews.co.uk/news/what-is-anti-semitism-the-definition-explained-and-how-anti-jewish-tropes-developed-throughout-history-1327735.

9NDT : Left Unity est un parti politique de gauche au Royaume-Uni, fondé en 2013 suite à l’appel du réalisateur et militant Ken Loach lancé un appel en faveur d’un nouveau parti pour remplacer le Labour (qui, selon lui, ne s’est pas opposé au programme d’austérité du gouvernement britannique et s’est orienté vers le néolibéralisme) Plus de 10 000 personnes ont soutenu l’appel de Loach. En 2014, le parti comptait 2 000 membres et 70 sections à travers la Grande-Bretagne. L’organisation est affiliée au niveau de l’Union européenne au Parti de la Gauche européenne.

De nombreux membres et cadres ont quitté le parti pour le Labour suite à l’élection de Corbyn à la tête de ce dernier en 2015.

10NDT : Le Socialist Workers Party est un parti politique britannique trotskiste fondé dans sa forme actuelle en 1977. Il ne participe pas en tant que tel aux élections, mais il a été membre de la COALITION RESPECT qui avait un député au parlement britannique (George Galloway) et plusieurs conseillers municipaux. Il a apporté un soutien critique à Corbyn.

11NDT : Respect est un ancien parti politique de gauche en Angleterre et au pays de Galles, fondé le 25 janvier 2004 et dissous le 18 août 2016. Son nom RESPECT est un acronyme pour Respect, Equality (égalité), Socialism (socialisme), Peace (paix), Environmentalism (écologie), Community (communauté) et Trade-unionism (syndicalisme).

12https://www.youtube.com/watch?v=hOZZF5XCDBM

13Joshua L. Gleis, Benedetta Berti, Hezbollah and Hamas : A Comparative Study, JHU Press, 2012. https://books.google.fr/books?id=vYBtwkj78BUC&pg=PT63&dq=&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false.

14https://twitter.com/davidhirsh/status/1202582894511902732?s=21

15https://edm.parliament.uk/early-day-motion/29849/parole-for-samar-alami-and-jawad-botmeh

16https://edm.parliament.uk/early-day-motion/29849/parole-for-samar-alami-and-jawad-botmeh. L’Ofcom est l’autorité régulatrice des télécommunications au Royaume-Uni, qui bénéficie aussi d’un statut moral équivalent au rôle du CSA en France.

17https://www.themuslimtv.net/view_video.php?viewkey=f0d135d0025202ea237e&page=&viewtype=&category

18https://www.channel4.com/news/factcheck/factcheck-jeremy-corbyn-and-the-wreath-row

19https://labourlist.org/2018/08/corbyn-apologises-for-hosting-auschwitz-to-gaza-event/

20https://edm.parliament.uk/early-day-motion/42381/never-again-for-anyone-initiative

21https://www.politicshome.com/news/article/excl-jeremy-corbyn-and-john-mcdonnell-called-for-holocaust-memorial-day-to-be-renamed

22https://www.cufi.org.uk/news/corbyn-slammed-christian-zionism-in-letter-defending-anti-israel-vicar-stephen-sizer/

23https://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/vicar-investigated-over-facebook-post-linking-to-anti-semitic-article-911-israel-did-it-10012794.html

24https://www.thejc.com/image/policy:1.439975:1497370527/.jpg?f=16×9&h=576&w=1024&$p$f$h$w=a4c2c21

25 https://www.youtube.com/watch?v=nEB9PwKYmmA.

26https://forward.com/opinion/409041/anti-semitic-dogwhistles-dont-sound-like-hitler-thats-why-theyre/

27https://www.theguardian.com/politics/video/2018/aug/24/jeremy-corbyns-2013-remarks-on-some-zionists-not-understanding-english-irony-video)

28https://www.theredroar.com/2019/11/exclusive-corbyn-embraced-speaker-who-claimed-zionism-had-made-jews-immoral/

29https://jewishnews.timesofisrael.com/corbyn-suspected-hand-of-israel-in-egypt-bombing-during-press-tv-interview/

30https://www.theguardian.com/news/2019/may/01/jeremy-corbyn-rejects-antisemitism-claim-over-book-foreword

31https://twitter.com/hughster/status/1198577283017166848?s=21.

32https://www.thejc.com/comment/analysis/what-is-the-ihra-definition-of-antisemitism-and-why-has-labour-outraged-jews-by-rejecting-it-1.467511

33http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/285537.stm

34https://www.theguardian.com/politics/2018/sep/04/labour-adopts-ihra-antisemitism-definition-in-full

35https://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-45414656

36https://marlonsolomon.wordpress.com/2019/04/23/luciana-berger-and-the-two-minutes-hate/

37https://twitter.com/adamwagner1/status/1044854715077603328?s=21).

38https://fr.scribd.com/document/438367082/Redacted-JLM-Closing-Submission-to-the-EHRC

39https://www.bbc.co.uk/programmes/m0006p8c

40Thomas Gardinier était le responsable de la gouvernance et des affaires légales du Labour à l’époque.

41https://www.thejc.com/news/uk-news/corbyn-ally-accused-of-ignoring-complaints-against-member-accused-of-antisemitism-and-abuse-1.486699

42https://twitter.com/daverich1/status/1202540104591585280?s=21

43NDT : Le Partenariat central d’information locale (CLIP) permet au gouvernement central et local de travailler ensemble pour fournir une infrastructure d’information efficace, efficiente et peu onéreuse pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, la fourniture de services, le suivi et la présentation de rapports.

44NDT : Le terme « hasbara » est utilisé par Israël et les groupes pro-israéliens pour désigner des opérations de communication et de propagande qui cherchent à défendre le point de vue et la politique de l’État d’Israël auprès de l’opinion publique internationale. Le ministère des affaires étrangères israélien propose ainsi à la diaspora juive des cours en ligne de hasbara.

45https://twitter.com/francesweetman/status/1202539039943020544?s=21

46https://twitter.com/supergutman/status/1148525343197843456?s=20

47https://www.survation.com/new-polling-of-british-jews-shows-tensions-remain-strong-between-labour-and-the-british-jewish-community/

48https://twitter.com/AdamWagner1/status/1099373541097697280?s=20

49https://www.thejc.com/news/news-features/what-is-jewish-voice-for-labour-jvl-1.462012

50https://www.thejc.com/news/uk-news/expelled-anti-zionist-moshe-machover-readmitted-to-labour-party-1.447052

51NDT : Momentum est un courant politique de gauche au Royaume-Uni. Il a été créé en 2015 un mois après la campagne victorieuse de Jeremy Corbyn pour l’élection à la direction du Parti travailliste. On a décrit ce courant comme une initiative populaire pour soutenir la ligne politique de Corbyn et son action au sein du Parti travailliste. En janvier 2018, il existait plus de 170 groupes locaux à travers tout le Royaume-Uni et en avril 2018, le nombre d’adhérents s’élevait à 40 000.

52NDT : Le Board of Deputies of British Jews, communément appelé Board of Deputies, est la plus grande et la plus ancienne organisation communale juive du Royaume-Uni. Créé en 1760 par un groupe de Juifs séfarades, le conseil se présente comme un forum où s’expriment les points de vue de la plupart des organisations de la communauté juive britannique, en liaison avec le gouvernement britannique. Il est affilié au Congrès juif mondial et au Congrès juif européen.

53NDT : Le Jewish Leadership Council (anciennement connu sous le nom de Jewish Community Leadership Council) est une organisation au Royaume-Uni, fondée en 2003, qui vise à défendre les intérêts de la communauté juive organisée en Grande-Bretagne. Le Conseil agit comme un groupe de coordination pour diverses organisations de la communauté juive, des organisations caritatives, des groupes de défense sionistes et pro-israéliens.

54https://jewishnews.timesofisrael.com/jewish-news-meets-jonathan-goldstein-i-want-a-jlc-thats-far-more-collaborative-than-in-the-past/

55https://medium.com/@rob_francis/all-out-war-28ca40249dca

56https://twitter.com/Sara_Rose_G/status/1105165111025717250?s=20

57https://twitter.com/AyoCaesar/status/1038741208976244736?s=20

58https://www.youtube.com/watch?v=zwskQv_qWQg&feature=youtu.be

59http://archive.camdennewjournal.com/gulliver-jackie-walker

60http://jfjfp.com/jackie-walker-responds-to-accusations-of-antisemitism/

61https://www.theguardian.com/politics/2016/sep/28/momentum-vice-chair-jackie-walker-pressure-resign-antisemitism-row-jewish-labour-movement

62NDT : La Commission nationale constitutionnelle (NCC) s’occupe des affaires disciplinaires impliquant des membres travaillistes.

63https://www.theguardian.com/politics/2019/mar/27/labour-expels-jackie-walker-for-leaked-antisemitism-comments

64https://www.thejc.com/comment/comment/kayla-bibby-and-the-ever-present-question-on-labour-antisemitism-malevolence-or-stupidity-1.481299

65https://www.theguardian.com/politics/2017/aug/28/make-labour-leadership-rules-more-democratic-urges-shadow-minister

66https://www.theguardian.com/news/2018/dec/21/labour-mp-chris-williamson-apologises-for-backing-jazz-musician-gilad-atzmon

67https://www.theguardian.com/news/2018/jul/31/corbyn-ally-says-jewish-trump-fanatics-make-up-antisemitism-claims

68https://www.thejc.com/news/uk-news/labour-s-pete-willsman-recorded-ranting-the-israeli-embassy-is-fuelling-antisemitism-crisis-1.484944

69https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-cambridgeshire-43655793

70https://twitter.com/Sara_Rose_G/status/1200403813162721280?s=20

71https://metro.co.uk/2019/11/17/labour-candidate-ran-facebook-group-helping-members-dodge-expulsion-anti-semitism-11170189/

72https://www.dailyrecord.co.uk/news/politics/scottish-labour-dumps-westminster-candidate-20724881

73https://www.cityam.com/labour-parachute-row-over-cities-candidate-selection/

74https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-essex-50344324

75https://www.thejc.com/news/uk-news/exclusive-labour-parliamentary-candidate-said-she-would-celebrate-deaths-of-blair-netanyahu-1.491027

76https://www.scotsman.com/news/politics/brexit/labour-election-candidate-gordon-quits-following-reports-antisemitic-online-posts-1402978

77https://www.thetimes.co.uk/article/go-on-offensive-to-defend-corbyn-from-antisemitism-claims-says-jewish-voice-for-labour-c3hkl2t5h

78https://www.theguardian.com/politics/2019/nov/26/corbyn-resists-calls-to-apologies-to-british-jews-after-rabbis-claims.

79NDT : La bataille de Cable Street s’est déroulée le 4 octobre 1936 autour de Cable Street, une rue de l’East End, dans la banlieue de Londres. Il s’agit d’un affrontement entre les militants de la British Union of Fascists, appelés « chemises noires », qui avaient décidé d’organiser une manifestation dans un quartier à forte population juive, et des antifascistes, regroupant des militants communistes, anarchistes, d’organisations juives et des nationalistes irlandais de gauche. Les 7 000 chemises noires, protégées par la police, durent affronter plus de 100 000 manifestants anti-fascistes, ce qui donna lieu à de véritables scènes de guerre civile dans Londres, plusieurs membres des deux factions étant armés. Les fascistes furent battus et annulèrent le défilé prévu.

80NDT : Il s’agissait des élections générales britanniques de 2019 qui ont lieu le 12 décembre 2019 afin de renouveler pour cinq ans les 650 membres de la Chambre des communes du Royaume-Uni.Ces élections se déroulèrent de manière anticipée du fait de l’incapacité des Premiers ministres Theresa May puis Boris Johnson à faire voter leur accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne par le Parlement britannique. Le Parti conservateur du chef du gouvernement sortant, Boris Johnson, passa d’une majorité relative des sièges à une importante majorité absolue, obtenant ses meilleurs résultats depuis 1987, tandis que le Parti travailliste, mené par Jeremy Corbyn et partisan de l’organisation d’un second référendum sur la question de l’UE, recueillit un nombre de sièges historiquement faible.

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